Opposition appelant à des sanctions internationales, ouverture d’un examen préliminaire à la Cour pénale internationale (CPI): la crise politique post-électorale au Gabon entre le président Ali Bongo Ondimba et Jean Ping se trouvait toujours dans l’impasse jeudi, malgré les appels répétés du pouvoir au « dialogue ».
L’opposant et ancien cacique du régime Jean Ping, qui se déclare le « président élu » depuis le scrutin du 27 août, a réaffirmé jeudi qu’il ne « reconnaitrait pas le pouvoir d’Ali Bongo », officiellement investi mardi pour un second septennat et désormais favorable à un « gouvernement d’ouverture ».
Dans une atmosphère de meeting électoral devant plusieurs centaines de partisans autour de sa piscine, l’ancien diplomate a appelé la communauté internationale à « prendre des sanctions ciblées à l’encontre des personnes qui se sont rendues coupables de ce coup d’Etat militaro-électoral », notamment à travers le gel de leurs avoirs à l’étranger et des interdictions de voyager.
L’ex-patron de l’Union africaine a aussi demandé à Amnesty international et à la CPI « de venir au Gabon faire toute la lumière sur les assassinats, les disparitions et les violations des droits de l’homme » lors des violences qui avaient suivi l’annonce des résultats provisoires en faveur du président sortant le 31 août.
Jeudi, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a justement annoncé qu’elle allait procéder à un « examen préliminaire » sur la situation au Gabon, « afin de déterminer si les critères imposés pour l’ouverture d’une enquête sont réunis ».
Le gouvernement gabonais lui avait demandé le 21 septembre « de bien vouloir ouvrir sans délai une enquête », faisant part de « faits relevant de l’incitation à commettre le crime de génocide » et de « crimes contre l’humanité » qu’il attribue aux militants de Jean Ping.
– ‘Il y avait des doutes. Il en reste encore’ –
« On ne peut que se réjouir », a déclaré l’avocat français de Jean Ping, Eric Moutet. « Une telle saisine imaginée par le régime (…) risque maintenant de se retourner contre lui juridiquement ».
De son côté, le nouveau Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet a annoncé jeudi que la composition de son gouvernement serait connue dimanche. « C’est un gouvernement d’ouverture, largement ouvert aux forces vives de la nation » conformément aux instructions du président Bongo, a-t-il dit.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a lui aussi renouvelé jeudi soir son appel au dialogue politique, devant des étudiants. « Il y avait des doutes. Il en reste encore. Maintenant il y a un président qui a été proclamé élu (…) Ce que nous encourageons maintenant, c’est le dialogue pour la suite de l’histoire du Gabon ».
En vain, Jean Ping refusant catégoriquement la main tendue d’Ali Bongo: « Voilà quelqu’un qui a été désavoué par le peuple et battu dans les urnes, qui demande à celui à qui il a volé l’élection de venir dialoguer avec lui ! (…) Nous n’irons à aucun dialogue sous l’égide de cet imposteur », a asséné l’opposant.
Le Gabon a connu un pic de violences de 48 heures après l’annonce le 31 août de la victoire du chef de l’Etat sortant Ali Bongo, 57 ans, qui a prêté serment mardi pour un deuxième septennat. Dénonçant des fraudes électorales dans le fief ethnique du président, Jean Ping avait saisi la Cour constitutionnelle, qui a finalement validé le 24 septembre la victoire d’Ali Bongo (50,66%) contre son rival (47,24%).
Des centaines de personnes avaient été arrêtées début septembre, 407 avaient été relâchées, 393 déférées au parquet de Libreville et 31 incarcérées, avait indiqué le procureur. Des arrestations plus ciblées d’opposants avaient eu lieu juste avant la décision de la Cour constitutionnelle.
Par Guylain Gustave Moke