
Le général Brice Oligui Nguema, qui a renversé Ali Bongo il y a six jours au Gabon, a prêté serment comme président d’une « transition » dont il n’a pas fixé la durée, promettant d’installer des « institutions plus démocratiques » avant des « élections libres ».
« Je jure devant Dieu et le peuple gabonais de préserver en toute fidélité le régime républicain », « de préserver les acquis de la démocratie », a déclaré devant des juges de la Cour constitutionnelle le général de brigade en costume d’apparat rouge de la Garde républicaine (GR), l’unité d’élite de l’armée qu’il commandait. Le général Oligui a également promis des « élections libres » et « transparentes » à l’issue de la période de transition et s’est engagé à amnistier les « prisonniers d’opinion ».
Les Gabonais ont célébré dans la liesse l’investiture du nouveau président de la transition, à Libreville, espérant que son arrivée et la transition qu’il a annoncé signent la fin de « l’asphyxie ». La prise du pouvoir, sans effusion de sang et à la surprise générale de la population, par cet officier chargé de protéger le cœur du système Bongo à la tête de la toute puissante Garde républicaine (GR) était tout sauf une évidence.
»Qui est » Brice Oligui Nguema »?
Brice Oligui Nguema est un véritablement homme du sérail, avancent ses rares critiques. Ce parachutiste, un chef charismatique et réputé francophile, a vite gagné ses galons en tant que fidèle et dévoué aide de camp de l’ancien président Omar Bongo Ondimba, le père d’Ali, qui dirigea le Gabon 41 ans durant avant sa mort en 2009.
Formé à l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, il a suivi Omar Bongo comme son ombre jusqu’à son dernier souffle dans un hôpital de Barcelone. Ecarté en 2009 après l’élection d’Ali Bongo, il devient attaché militaire des ambassades du Gabon au Maroc et au Sénégal pendant 10 ans. Fang par son père, l’ethnie majoritaire au Gabon, il a principalement grandi avec sa mère dans la province du Haut-Ogooué, le fief du clan Bongo, dans un milieu très proche d’Omar au point que certains le qualifient aujourd’hui de « cousin » d’Ali, sans pouvoir l’étayer.
Revenu sur le devant de la scène en 2019, colonel à la tête des redoutables renseignements de la GR, il sera propulsé seulement six mois après général et à la tête de cette garde prétorienne de la présidence, s’imposant comme la clé de voûte du dispositif sécuritaire du Gabon. Il a notamment poussé M. Bongo à améliorer les conditions de vie et de travail de ses hommes: réfection et modernisation des infrastructures, financement d’écoles destinées aux enfants de militaires, restauration des logements et des baraquements… Ce « meneur d’hommes » s’est rapidement attiré la sympathie, le respect et surtout la fidélité des bérets verts et au-delà dans l’armée.
Selon un rapport du consortium d’investigations Organized Crime and Corruption Reporting Project en 2020, le général Oligui s’est constitué un important patrimoine aux Etats-Unis, où il a acheté trois propriétés en 2015 et 2018 dans le Maryland, pour un total de plus d’un million de dollars, payé en espèces.
»Promesses »
N’élevant jamais la voix, cet homme de 48 ans à la carrure athlétique et au crâne chauve a promis d’affecter 7,2 milliards de francs CFA (11 millions d’euros) saisis en espèces aux domiciles des plus hauts responsables du cabinet de M. Bongo, dont l’un de ses fils, à des forages pour ceux qui n’ont pas accès à l’eau potable.
Il a annoncé la rapide privatisation des caisses de retraite et d’assurance-maladie pour mettre un terme au cauchemar de « pauvres retraités » ou de « malades » qui ne touchent pas leurs pensions, ni ne sont remboursés en raison d’une gestion catastrophique dénoncée depuis des années par la société civile.
Il a ensuite promis des « élections libres et transparentes » mais sans fixer de délai ni dire si les cadres du putsch pourraient être candidats, une nouvelle Constitution par référendum et des « institutions plus démocratiques et plus respectueuses des droits humains ». « Sans précipitation toutefois ».
»Attente »
Tout le monde veut savoir si et quand le nouvel homme fort du Gabon – fidèle aide de camp d’Omar Bongo jusqu’à son dernier souffle en 2009, promu dix ans plus tard à la tête de la GR chargée de protéger son fils – rendra le pouvoir aux civils.
Après le coup d’Etat, l’ancienne opposition au président Ali Bongo est tiraillée entre son champion Albert Ondo Ossa, qui revendique mordicus la victoire à la présidentielle du 26 août, au risque de s’isoler, et ceux qui n’entendent pas rester spectateurs de la « transition » militaire.
Le nouvel homme fort du pays, qui a prêté serment comme président d’une « transition », a dénoncé la « corruption » systématique du clan Bongo, promis des « institutions plus démocratiques et respectueuses des droits humains », une nouvelle Constitution, et un nouveau code électoral.
Fermant ainsi la porte à M. Ondo Ossa qui l’exhorte à lui céder le pouvoir en assurant avoir remporté la présidentielle, « annulée » par les putschistes qui arguent qu’elle a été entachée de « fraudes » massives. Il avait été désigné laborieusement, à six jours seulement du scrutin, « candidat consensuel » de la plateforme Alternance 2023, qui comptait cinq autres ténors de l’opposition comme prétendant à la magistrature suprême.
Dimanche, les ténors de la coalition Alternance 2023 ont été chaleureusement reçus, en son absence, par le général Oligui au palais présidentiel. Dans les rangs des partis d’Alternance 2023, de premières fissures apparaissent, certains jugeant « radicale » l’exigence de M. Ondo Ossa, craignant aussi de manquer le train de la transition.
L’opposition Gabonaise doit discuter avec les militaires, pour qu’ils ne s’enferment pas en la reprochant de ne pas avoir participé à la transition. L’union derrière M. Ondo Ossa n’a plus lieu d’être car le choix de »Ondo Ossa » était un choix par défaut que le pouvoir Bongo avait imposé avec un mode de scrutin taillé sur mesure.
Par Guylain Gustave Moke
Analyste Politique