Le 5 septembre 2024, le président chinois Xi Jinping a fait une annonce qui résonne à travers tout le continent africain : un soutien financier de 50 milliards de dollars sur les trois prochaines années. Ce geste s’inscrit dans le cadre du Forum de coopération sino-africaine à Pékin, un sommet essentiel pour les relations entre la Chine et l’Afrique.
La Chine est déjà le premier partenaire commercial du continent africain, avec 167,8 milliards de dollars (151,8 milliards d’euros) d’échanges au premier semestre 2024, selon les médias officiels chinois. Elle y a envoyé ces deux dernières décennies des centaines de milliers d’ouvriers et d’ingénieurs pour construire ces grands projets et a obtenu un accès privilégié aux vastes ressources naturelles africaines, notamment le cuivre, l’or et le lithium.
Les prêts des banques publiques chinoises ont permis de financer de nombreuses infrastructures destinées à augmenter la croissance (voies ferrées, ports, routes…), mais ils ont soulevé des interrogations quant à l’endettement de certains pays. Le montant des prêts accordés en 2023 par la Chine aux pays africains a toutefois été divisé par six par rapport aux sommets atteints en 2016, où ils approchaient les 30 milliards de dollars (27 milliards d’euros).
Malgré ces investissements massifs, les relations commerciales entre l’Afrique et la Chine restent déséquilibrées. Le déficit commercial de l’Afrique envers la Chine s’est creusé, atteignant 60 milliards d’euros en 2023. Les exportations africaines vers la Chine sont principalement constituées de matières premières non transformées, tandis que la Chine continue d’inonder le marché africain de produits manufacturés à faible coût.
La Chine a financé de nombreux projets d’infrastructures en Afrique, des chemins de fer aux routes en passant par les ports. Cependant, ces projets ont parfois mené à un endettement croissant de certains pays africains. La question de l’impact de cette nouvelle aide de 50 milliards de dollars sur l’endettement reste donc importante.
”Soft Power Chinois”
Ces investissements sont loin de n’être qu’économique. L’une des formules qui comptent le plus aux yeux de la diplomatie chinoise, le « principe d’une seule Chine », soit leur soutien sur la question taïwanaise.
Entre l’Afrique et la Chine, la complémentarité affichée n’est pas qu’une affaire de développement. Comme Pékin, l’Afrique s’accorde à promouvoir le multilatéralisme, la non-ingérence et le respect de l’intégrité territoriale. En l’espèce, la diplomatie africaine soutient la politique d’une seule Chine et se garde de toute critique sur le sort réservé aux Ouïgours, ces musulmans turcophones de la région autonome du Xinjiang, dont plus d’un million sont ou ont été les victimes d’une politique d’internement massif.
L’ intérêt des investissements Chinois se résume aussi en un objectif : Accéder aux marchés américain et européen et contourner les dispositions visant à exclure leurs produits.  Pour preuve: l’Inflation Reduction Act, un plan de réformes écologiques adopté par le Sénat américain en 2022 : Il offre des crédits d’impôt pour les batteries fabriquées à partir de composants provenant de pays avec lesquels les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange, ce qui inclut certains pays africains.
Pékin compte aussi lancer une « plate-forme de partage d’expérience sur la gouvernance » et ouvrir 25 « centres d’étude sur la Chine et l’Afrique ». Un millier de personnalités de partis politiques africains seront invitées en Chine pour des programmes sur « l’édification des partis et la gouvernance d’Etat ». Elle proposera également 60 000 places dans les instituts de formation professionnelle.
Pour les Africains la relation entre l’afrique et la Chine est avant tout pragmatique. Sans remettre en cause la coopération avec ses partenaires traditionnels, que sont la France, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Afrique poursuit en définitive avec Pékin la diversification de ses alliances, comme il le fait avec Moscou, même sur le plan militaire.
”Les Raisons sécuritaires”
L’offensive discrète et sans coup de feu que mène la Chine en Afrique préoccupe les rivaux de Pékin. La Chine, qui a progressivement renforcé sa présence dans les missions de l’ONU et à travers ses sociétés de sécurité privées, chercherait désormais à établir une base navale dans le golfe de Guinée.
Cette base permettrait à Pékin de stationner des navires de guerre sur ces rives de l’Atlantique faisant face aux côtes américaines. et les américains sont déjà alarmés, plaçant le blocage de ce projet comme première priorité. Inauguré en 2019, financé et construit par l’Etat chinois, le port en eaux profondes de Bata pourrait jouer ce rôle,
Pour la Chine, l’établissement d’une telle emprise navale revêt une importance géopolitique et économique : elle lui permettrait d’assurer la sécurité, et donc la pérennité d’intérêts commerciaux croissants dans la région. A l’échelle continentale, cette double motivation explique pourquoi le premier partenaire économique de l’Afrique s’investit dans un secteur où il était peu présent il y a dix ans : la sécurité.
Cet engagement a été motivé par les « nouvelles routes de la soie », initiative lancée par le président Xi Jinping lors de son arrivée au pouvoir en 2013.
La Chine a ainsi commencé à tisser un réseau d’itinéraires commerciaux à travers le monde pour relier son territoire à l’Europe. Les rives de la Corne de l’Afrique forment l’un des couloirs de circulation des porte-conteneurs chinois et, pour veiller à la sécurité de ses navires en proie à la piraterie, la Chine y établit sa première base militaire africaine à Djibouti en 2017.
Quoi qu’il en soit, la voie occidentale a infligé de profondes souffrances aux pays en développement, mais la quête commune de modernisation de la Chine et de l’Afrique amènera une vague de progrès pour tout le Sud global.
Certes, la coopération entre la Chine et l’Afrique pourrait être la clé pour mener une révolution énergétique. Avec un accent mis sur les énergies renouvelables, cet engagement pourrait transformer le paysage énergétique du continent. Cependant, les résultats dépendront de la mise en œuvre de ces promesses et de la manière dont les pays africains seront impliqués dans le processus.
Par Guylain Gustave Moke
Analyste Géopolitique Congolais