Corruption, engorgement, tracasseries administratives, coût élevé des prestations et vétusté des infrastructures: la situation est critique au port de Douala au Cameroun, principal débouché pour les pays voisins enclavés que sont le Tchad et la Centrafrique.
“Le port de Douala est un haut lieu de corruption”, accuse un usager du port. Pour y entrer avec une autre personne, il glisse dans la main du vendeur de tickets d’accès un billet de 1.000 FCFA (1,50 euros): le prix officiel d’un seul ticket est de près de trois euros.
Plus de 95% du trafic portuaire du Cameroun passe par Douala, plus grand port d’Afrique centrale. Mais les procédures de dédouanement y sont un casse-tête permanent.
“Pour dédouaner une voiture par exemple, il faut obtenir 20 à 22 cachets”, explique un cadre du port qui préfère taire son nom, en précisant que pour chaque tampon, il faut payer un pot-de-vin.Â
S’y ajoute la hausse des coûts: “une voiture que nous dédouanions il y a un an à 850.000 FCFA (1.295 euros) de frais nous revient aujourd’hui à 1,3 millions (1.981 euros)”, affirme l’usager qui a soudoyé le vendeur des tickets d’entrée.
En plus, poursuit-il, “dans les bureaux, ils sont d’une lenteur hallucinante, alors, si tu veux que ton dossier avance, il faut monnayer”.
Pour le Tchad et la Centrafrique, pays voisins du Cameroun sans accès à la mer, le port de Douala est le débouché le plus proche pour de nombreux transporteurs ravitaillant N’Djamena et Bangui.
Mais, en raison des “tracasseries” rencontrées par les transitaires, certains transporteurs évoquent la possibilité de “s’orienter vers d’autres horizons portuaires de la sous-région Afrique de l’Ouest”, selon un communiqué du ministère des Infrastructures du Tchad.
A Douala, “nos camions sont souvent bloqués plusieurs semaines au port avant de pouvoir prendre la route”, explique Ali Abdallah Youssouf, président du Conseil national des importateurs, transitaires et exportateurs du Tchad (CONITE).
– Délais catastrophiques –
Les durées de passage des marchandises y demeurent très longs, en moyenne 16 jours, estime la Banque mondiale.
Des délais “catastrophiques” pour la bonne marche des affaires, se désole un opérateur économique centrafricain qui fréquente le port camerounais.
“En stockant les marchandises”, les gestionnaires des principaux terminaux “gagnent plus d’argent qu’en faisant de la manutention”, en particulier pour le bois, accuse-t-il.
Le terminal à conteneurs est géré depuis 2004 par Douala international terminal (DIT), une filiale du groupe français Bolloré. Une autre entité, la Société d’exploitation des parcs à bois du Cameroun (Sepdc) contrôle le terminal bois.
C’est par ces deux terminaux que passe environ la moitié des marchandises du port.
Le manque d’investissements dans des infrastructures datant de 1980 a entraîné leur “forte dégradation” déplorait fin février le directeur général du port, Cyrus Ngo’o, dans une lettre adressée au ministère des Transports.
Les infrastructures étaient au départ construites pour “sept millions de tonnes de marchandises” par an, selon M. Ngo’o qui note qu’aujourd’hui, elles en drainent “une moyenne de douze millions de tonnes”.
“Depuis 1980, il n’y a pas eu d’investissements majeurs pour accroître les capacités d’accueil des navires et de traitements des marchandises”, ajoute-il.
En février, le négociant français en bois tropicaux Rougier a désigné “l’engorgement chronique” du port de Douala comme une des causes de sa faillite.
Une position contestée par Cyrus Ngo’o pour qui “la faillite du groupe Rougier ne saurait incomber au port de Douala, où les opérations logistiques du commerce extérieur se déroulent normalement”.
Mais dans sa lettre de février, il estimait néanmoins que le port de Douala fait face “à une situation inhabituelle de baisse de fluidité des opérations portuaires”.
“Cette situation a un impact négatif, notamment sur la cadence de manutention à l’export des principaux produits de rente du Cameroun que sont le café, le cacao et le bois”, selon lui.
“Plus de 2.000 conteneurs” de ces trois produits sont parqués sur le terminal à conteneurs depuis plusieurs semaines, indique le directeur, pour qui le risque “de congestion du port de Douala est réel”.
Par Pauline Ntama