Le procès de l’auteur franco-camerounais Charles Onana s’est ouvert, le 7 octobre 2024, devant le tribunal correctionnel de Paris. Il est jugé pour « contestation de l’existence d’un crime de génocide ». Ce procès porte spécifiquement sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, un sujet délicat sur lequel Onana est poursuivi, en compagnie de son éditeur, pour des propos tenus dans son livre Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise, publié en 2019.
Ce sont les organisations FIDH, LDH et Survie qui avaient porté plainte en 2020 après avoir dénoncé les écrits de l’auteur. Lors de sa première audition, Charles Onana a fermement rejeté les accusations. Il a affirmé qu’il ne « nie pas du tout le génocide et ne le fera jamais ». Il a dénoncé ce qu’il considère comme un « procès d’intention » à son encontre. Cependant, dans son livre, Onana place le terme « génocide » entre guillemets. Mieux, il qualifie le phénomène de « dogme ou d’idéologie » du génocide.
Il va plus loin dans ses écrits en affirmant que l’idée selon laquelle le génocide des Tutsis aurait été planifié par le régime hutu est une « thèse conspirationniste » et l’une des « plus grandes escroqueries du XXe siècle ». Cette thèse a pourtant été largement reconnue par diverses juridictions, tant en France qu’à l’international. Pour sa défense, Charles Onana a cité une vingtaine de témoins, dont plusieurs anciens officiers militaires français et rwandais, dans le but d’étayer ses propos.
Les parties civiles, en revanche, ont sollicité le témoignage de juristes et d’historiens, des experts appelés à apporter un éclairage sur les faits du génocide. Ce face-à -face devant la justice met en lumière le débat persistant autour de la mémoire et de la reconnaissance du génocide rwandais. À 60 ans, l’auteur de plus de trente ouvrages, dont plusieurs sont controversés, Charles Onana a toujours été au centre de débats intellectuels sur les relations internationales et les conflits africains.
En 2020, sa participation à un colloque sur la région des Grands Lacs, organisé dans l’enceinte du Sénat français, avait suscité une vive polémique, contribuant à l’accroissement de la controverse entourant sa personne et ses écrits. Le procès, qui s’étendra jusqu’à vendredi, promet de continuer à alimenter les débats sur l’interprétation des événements du génocide au Rwanda.
La France a été au centre de plusieurs procès liés au génocide rwandais, où des individus ont été jugés pour des accusations de négationnisme ou de révisionnisme historique, ainsi que pour leur implication dans les événements tragiques qui ont marqué le Rwanda en 1994. Ces affaires ont reflété les tensions autour de la reconnaissance de la responsabilité et de la mémoire du génocide des Tutsis, ainsi que de la question du rôle de la France dans ce conflit.
L’un des procès les plus médiatisés en France concernant le génocide rwandais a été celui de Hassan Ngeze, ancien dirigeant du journal Kangura, qui incitait à la violence contre les Tutsis. Ngeze a été jugé en 2000 par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), basé à Arusha, en Tanzanie. Il a été condamné à la prison à perpétuité pour son rôle dans la diffusion de la propagande raciste qui incitait au massacre des Tutsis. Bien que ce procès se soit déroulé à l’international, il a eu un impact significatif sur la communauté rwandaise en France et a souligné l’importance de la justice internationale pour les crimes de génocide.
La France a également vu plusieurs procès liés à la négation du génocide rwandais. C’est le cas du procès de l’écrivain et universitaire Pierre Péan. En 2014, Pierre Péan, dans un ouvrage intitulé « Les génocides français », avait fait état de thèses révisionnistes sur le génocide rwandais. Il accusait notamment la communauté internationale d’avoir exagéré la portée des événements. Péan avait aussi remis en question le rôle du gouvernement rwandais, notamment en ce qui concerne la responsabilité du gouvernement français dans les massacres.
Ce livre et ses propos ont provoqué un tollé au sein de la communauté rwandaise et des associations de victimes, et ont donné lieu à une plainte pour « contestations de l’existence du génocide ». Le tribunal avait condamné Péan à des peines de prison avec sursis et à une amende, ce qui a mis en lumière le combat juridique de la communauté rwandaise pour faire reconnaître la réalité du génocide.
Plus récemment, en 2020, un procès pour négationnisme concernant le génocide rwandais a été ouvert contre l’homme politique et essayiste Fabrice Di Vizio, connu pour ses propos controversés. Di Vizio avait notamment remis en cause la planification du génocide par les autorités hutu. Ce procès a attiré l’attention des médias en France, soulignant l’importance de lutter contre la négation du génocide rwandais et de protéger la mémoire des victimes. Le tribunal correctionnel de Paris avait alors condamné l’accusé pour incitation à la haine raciale et révisionnisme historique.
Les procès liés au génocide rwandais en France ne se limitent pas seulement à la négation ou la contestation, mais concernent également la question du rôle de l’Hexagone dans ces événements. Les enquêtes et les jugements qui ont eu lieu dans le pays sont souvent marqués par des débats sur la politique française en Afrique et le soutien présumé du gouvernement français à l’ancien régime hutu rwandais.
La Rédaction