Le chef de l’Etat burundais a annoncé, le 7 juin lors de la promulgation de la nouvelle Constitution de son pays, qu’il ne briguera pas un nouveau mandat pendant la prochaine présidentielle. La promesse du dirigeant burundais tombe comme un tonnerre au sein des milieux politiques de son pays, dont l’opposition qui lui reprochait, il y a quelques jours, de vouloir par tous les moyens s’accrocher au pouvoir.
Officiellement, il s’agit pour lui de respecter la parole donnée il y a trois ans. Mais des spécialistes pointent notamment le lâchage régional, des dissensions internes et les conséquences des sanctions européennes.
Suite à cette annonce, la Belgique espère que les autorités burundaises pourront désormais s’atteler à l’ouverture de l’espace public et démocratique qui est indispensable en vue des élections de 2020. La Belgique plaide par conséquent pour la reprise du dialogue inclusif, sous l’égide de la région et dans l’esprit des accords d’Arusha. Le Ministre Reynders a décidé de dépêcher son Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs au Burundi pour insister en ce sens.
Les experts évoquent deux raisons qui pourraient pousser le président Burundais á une crise de conscience.
Prumo, les effets des sanctions de l’Union européenne et de ses Etats membres, les plus gros bailleurs de fonds de ce pays classé parmi les cinq plus pauvres du monde. Il fait face à une grave crise socio-économique, à de nombreuses épidémies, manque de devises et de médicaments.
Secundo , il y aurait des dissensions internes autour d’une nouvelle candidature du président Nkurunziza, au sein des principaux chefs militaires issus de l’ex-rébellion aujourd’hui au pouvoir au Burundi, malgré l’unité de facade affichée par le CNDD-FDD. La question dépend de l’appareil du CNDD-FDD, qui est avant tout soucieux de sa propre reproduction collective et surtout de sa capacité à maintenir son emprise sur les populations et les ressources.
Pierre Nkurunziza est aux commandes du Burundi depuis 2005. Il a été réélu président en 2010 avec plus de 91 % de voix, étant le seul candidat du scrutin. Les candidats de l’opposition s’étaient retirés pour protester contre les irrégularités de l’élection.
En 2015, Pierre Nkurunziza décide de briguer un troisième mandat à la présidence de la République, ce qui était contraire à l’article 96 de la Constitution burundaise promulguée en mars 2005. Sa candidature avait été néanmoins validée par une décision controversée de la Cour constitutionnelle.
Le 25 avril 2015, il s’impose comme candidat du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie, à l’élection présidentielle du 26 juin de la même année, provoquant une scission du parti, des heurts et des protestations de l’opposition.
En déplacement pour un sommet à Dar es Salam (Tanzanie) sur la situation de crise de son pays, Pierre Nkurunziza est victime d’une tentative de coup d’Etat de la part du général Godefroid Niyombare, le 13 mai 2015. Après de violents combats dans le centre-ville de Bujumbura, le chef des putschistes fait part de leur reddition et la présidence annonce le retour imminent du président Nkurunziza.
Le 12 mai 2017, un avant-projet de révision de la Constitution du Burundi est annoncé. Il prévoit la création d’un poste de Premier ministre, le passage d’un mandat de cinq ans à sept ans, et le passage du seuil d’adoption des lois des deux tiers à la majorité absolue.
Le nombre de mandats consécutifs qu’un président peut effectuer est toujours de deux, mais du fait de la modification de la Constitution, Nkurunziza pouvait effectuer deux nouveaux mandats consécutifs de sept ans au terme de son troisième mandat de cinq ans. Ce qui devait lui offrir la possibilité de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Les quotas ethniques issus de l’accord d’Arusha sont aussi modifiés.
Le référendum constitutionnel avait eu lieu le 17 mai 2018. Au terme d’une campagne où les opposants sont traqués, menacés, arrêtés et certains médias fermés, les modifications constitutionnelles sont approuvées à 73,3 % avec une participation de 96 %. L’opposition avait contesté la véracité de ces résultats.
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