
Burundi's President Pierre Buyoya speaks during a news conference September 28 in Brussels to launch in Belgium his book "Mission impossible". The book outlines strategies for uniting the rival ethnic groups in the conflict-ridden Great Lakes region. **DIGITAL IMAGE**
La dépouille de l’ex-président burundais Pierre Buyoya, initialement enterrée au Mali, est rapatriée pour une ré-inhumation au Burundi.
La dépouille est arrivée à Bujumbura mardi, a affirmé à l’AFP un proche de la famille qui a requis l’anonymat : « Il n’y avait pas d’officiels [à l’aéroport] car il s’agit d’une opération organisée par la famille. Mais les autorités burundaises ont pris toutes les mesures administratives et de sécurité. » L’ancien président de la République du Brurundi a été inhumé mercredi dans la plus stricte intimité sur la propriété familiale à Rutovu, dans le sud du pays.
M. Buyoya avait été condamné en octobre 2020 par contumace, avec une vingtaine d’anciens hauts responsables civils et militaires qui lui étaient proches, pour l’assassinat en 1993 de Melchior Ndadaye, premier président burundais démocratiquement élu (trois mois auparavant) et premier Hutu à accéder au pouvoir. M. Buyoya avait dénoncé « un procès politique mené de manière scandaleuse », orchestré selon lui par le pouvoir en place.
Militaire de carrière, M. Buyoya, un Tutsi, a présidé deux fois le Burundi (1987-1993 et 1996-2003), accédant à chaque fois au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat. Son premier mandat a été marqué par l’ouverture de l’espace démocratique, qui a débouché sur l’élection de M. Ndadaye, dont l’assassinat allait plonger le pays dans une guerre civile qui fera 300 000 morts, opposant l’armée dominée par la minorité tutsi à des rebelles hutu. Durant son second mandat, M. Buyoya a signé en 2000 les accords d’Arusha, ouvrant la voie à la fin de la guerre civile en 2003, date à laquelle il a quitté le pouvoir conformément à ces accords.

Pierre Buyoya est décédé à Paris en décembre 2020 après avoir contracté le Covid-19. À l’époque, il venait de poser pied en France pour des soins médicaux. Sa mort a été un choc pour beaucoup, mais elle a aussi ravivé des souvenirs douloureux de l’histoire récente du Burundi.
La décision de rapatrier la dépouille de Pierre Buyoya marque un tournant dans les relations entre sa famille et le pouvoir burundais. Depuis sa condamnation, les tensions étaient vives entre la famille de Buyoya et le gouvernement. Pourtant, cette initiative pourrait symboliser une volonté de réconciliation nationale.
Conformément aux conditions imposées par le pouvoir burundais, la dépouille de Pierre Buyoya sera ré-inhumée à Rutovu, sa colline natale, dans une cérémonie intime. Ce geste est perçu de manière contrastée : certains Burundais y voient une chance de tourner la page, tandis que d’autres s’interrogent sur l’opportunité de rendre cet honneur à une figure aussi controversée.
Le retour de Buyoya suscite diverses réactions au sein de la population burundaise. Pour certains, cette ré-inhumation est une étape vers la réconciliation nationale et la paix. Pour d’autres, c’est un rappel douloureux des divisions et des violences passées. « C’est un geste symbolique qui peut ouvrir la voie à la guérison », déclare un habitant de Bujumbura. En revanche, un autre s’interroge : « Pourquoi honorer quelqu’un qui a été condamné pour un crime aussi grave ? »
La ré-inhumation de Pierre Buyoya pourrait-elle vraiment aider le Burundi à avancer ? Alors que le pays cherche à se reconstruire après des années de guerre civile, ce geste pourrait être vu comme une tentative de mettre fin à des années de division. Cependant, les cicatrices laissées par ces conflits sont profondes et le chemin vers une véritable réconciliation reste incertain.
Le Burundi est dirigé depuis 2005 par le CNDD-FDD, parti issu de l’ancienne principale rébellion hutu, accusé de réprimer toute voix dissidente depuis une nouvelle crise politique dans laquelle le pays a plongé en 2015. Le président Evariste Ndayishimiye a succédé en juin 2020 à Pierre Nkurunziza, décédé après avoir dirigé d’une main de fer le Burundi durant quinze ans.
Par Guylain Gustave Moke