En Angola, après trente-huit ans d’un règne quasi sans partage de José Eduardo Dos Santos et les premiers gestes posés par son successeur, les dissidents du parti-Etat MPLA semblent avoir du mal à se positionner. Joao Lourenço avait promis de lutter contre la corruption et s’en est pris bel et bien à des personnalités du pays, comme les enfants de l’ancien président.
Les premières manifestations sous la présidence de Joao Lourenço ont été autorisées. La transition en Angola, c’est le sujet abordé lors d’une table ronde sur l’Angola qui s’est tenu jeudi 26 avril à Paris. L’Ifri, l’institut français des relations internationales, avait réuni les principaux spécialistes de ce pays pour parler de cette surprenante transition, c’était même le titre, et d’évaluer s’il s’agit d’une transformation durable.
Ce que reconnaissent tous les experts de l’Angola, c’est qu’avant ou même pendant les élections, personne n’avait imaginé que Joao Lourenço irait si loin, si vite, même si tous estiment qu’il s’agit là avant tout d’une stratégie pour maintenir le MPLA au pouvoir.
Mais l’étonnement est plus grand encore chez les détracteurs du parti-Etat, comme l’explique Jon Schubert, professeur à l’université de Genève : « C’était plus simple pour l’opposition ou la société civile de se concentrer sur la personne de José Eduardo Dos Santos et de sa famille qui focalisaient et concrétisaient tout ce qui allait mal. Maintenant qu’ils ont été éloignés du pouvoir et que le nouveau président semble quand même répondre à quelques demandes les plus urgentes et les plus légitimes de l’opposition, ça enlève un peu les moyens à cette dernière de se positionner. »
En prenant les rênes du pays, l’ex-ministre de la Défense Lourenço a décrété la rupture avec les trente-huit ans du règne sans partage de M. dos Santos, qu’il avait fidèlement servi.
A un pays en pleine crise pour cause de chute des cours du pétrole, il a promis un “miracle économique” et l’éradication de la corruption et du népotisme reprochés à l’ancien régime. Un à un, la plupart des chefs des institutions et des entreprises publiques nommés par l’ex-chef de l’Etat ont été remerciés.
“Rien n’a changé. L’équipe économique de Lourenço continue à appliquer les mêmes recettes, qui n’amèneront rien de bon dans la vie des Angolais”, se désespère l’opposition.
Luaty Beirao a été l’un des premiers fils du MPLA à demander le départ de José Eduardo Dos Santos. Le rappeur et activiste parle d’une quasi-faillite de l’opposition : « Il y a des gens très bien dans chacun de ces partis, mais en tant que groupes ils ont presque fait faillite (… ) Je pense que nous, nous avons d’autres objectifs à cibler. »
Pour Luaty Beirao, il faut que la société civile puisse profiter des nouveaux espaces de liberté pour pousser à de véritables changements dans le pays, sans chercher à tout prix la confrontation avec le nouveau pouvoir.
“Cela fait six mois que Lourenço est au pouvoir mais on paie l’électricité toujours aussi cher et les gens n’ont pas plus de travail”, regrette Elisabeth Mateus, 65 ans, une habitante du quartier de Cazenga. “Finalement”, ajoute-t-elle, “la seule chose qui a changé, c’est la tête du président”.
Selon Alex Vines, Joao Lourenço sait que sa réussite politique a pour condition sine qua non une amélioration sensible des conditions de vie de la population, une des plus pauvres du continent malgré la manne pétrolière.
“Son principal défi est de stimuler une nouvelle croissance économique avant les élections de 2022 de façon à ce que le MPLA renforce sa majorité à l’Assemblée”, dit-il.
Par Vanessa Lima