L’analyse du panafricanisme radical contemporain révèle un paradoxe frappant. Alors que certaines figures comme Kemi Seba sont régulièrement poursuivies, expulsées et attaquées publiquement, Nathalie Yamb semble évoluer avec davantage de liberté malgré des positions idéologiques largement similaires.
Les deux militants partagent, en effet, un socle commun : une critique virulente de la France, la promotion d’une rupture avec l’Occident, et un soutien aux positions russes en Afrique. Tous deux ont d’ailleurs fait l’objet de sanctions européennes et d’interdictions d’entrée sur le territoire de l’Union européenne.
La principale différence réside dans la forme : là où l’un adopte une posture frontale et provocatrice, l’autre cultive une image d’intellectuelle rigoureuse, usant d’un vocabulaire plus académique et d’une rhétorique plus sophistiquée.
L’examen des prises de position de Nathalie Yamb soulève plusieurs interrogations. Sa critique de l’impérialisme français, présenté comme néocolonial, contraste avec son soutien aux interventions russes en Afrique. Elle a notamment défendu l’action du groupe Wagner au Mali et en Centrafrique, et participe régulièrement à des événements pro-russes.
Cette posture interroge sur la cohérence d’un discours anti-impérialiste qui semblerait accepter le remplacement d’une influence par une autre. Pour certains observateurs, il ne s’agirait pas tant d’une émancipation que d’un changement d’allégeance.
Un autre élément suscite le débat : Nathalie Yamb mène sa critique de l’Occident depuis la Suisse, pays où elle réside. Cette situation a été pointée du doigt par plusieurs voix africaines qui y voient une contradiction entre le discours et la réalité vécue.
S’ajoute à cela la question de sa double nationalité suisso-camerounaise, alors que la législation camerounaise interdit officiellement la binationalité. Un paradoxe pour une militante qui revendique le respect de la souveraineté juridique africaine.
Les observateurs notent également des silences troublants. Sur le Cameroun, son pays d’origine, Nathalie Yamb reste particulièrement discrète malgré plus de quarante ans de pouvoir autoritaire sous Paul Biya. Ce mutisme contraste avec ses critiques virulentes d’autres régimes africains. 
Certaines de ses déclarations ont également suscité la controverse, notamment lorsqu’elle a évoqué la possibilité d’un complot politique interne à propos d’une attaque de Boko Haram au Nord-Cameroun, minimisant ainsi un terrorisme actif dans la région depuis 2014.Sur les questions de démocratie, son positionnement apparaît également variable : condamnation de certains coups d’État militaires, mais soutien à d’autres changements de régime, critique des fraudes électorales dans certains pays, mais tolérance ailleurs.
Concernant les droits des personnes LGBT+, Nathalie Yamb adopte une position qu’elle présente comme nuancée : l’État ne devrait pas interférer dans la vie privée des adultes consentants, mais il faut rejeter toute imposition de modes de vie occidentaux.
Cette posture, qualifiée de culturelle, est critiquée par les défenseurs des droits humains qui y voient un silence complice face aux persécutions et à la criminalisation que subissent les personnes LGBT+ dans plusieurs pays africains.
Malgré ces controverses, Nathalie Yamb continue de jouir d’une forte présence médiatique, particulièrement sur les réseaux sociaux où elle a dominé l’espace panafricaniste jusqu’en 2024. Son influence reste importante dans les débats sur l’avenir des relations entre l’Afrique et le reste du monde.
Ses partisans saluent son courage à dénoncer les ingérences étrangères et sa défense d’une souveraineté africaine authentique. Ses détracteurs, en revanche, pointent les incohérences entre son discours et ses actes, ainsi que son utilisation d’informations parfois non vérifiées.
Au-delà du cas individuel, l’analyse de ces contradictions soulève une question plus large : celle de la cohérence et de l’universalité des principes défendus par le panafricanisme contemporain. Un mouvement d’émancipation peut-il se construire sur des indignations sélectives et des alliances opportunistes ?
Dans un espace informationnel de plus en plus scruté, ces questions deviennent centrales. Pour que le panafricanisme retrouve sa crédibilité auprès des populations africaines, il devra répondre à ces interrogations et clarifier ses positions au-delà des slogans et des postures médiatiques.
Les Africains, de plus en plus informés et critiques, attendent de leurs intellectuels et activistes non pas des discours adaptables selon les circonstances, mais une cohérence morale et politique qui serve réellement leurs intérêts à long terme.
Ces pseudos-panafricains n’ont qu’un seul logiciel : dénoncer, accuser, insulter. Ils parlent de souveraineté mais refusent toute exigence de responsabilité. Ils invoquent la liberté mais soutiennent des régimes militaires qui confisquent la parole du peuple. Ils se réclament de l’Afrique mais célèbrent des coups d’État qui détruisent des décennies de luttes démocratiques.
Le plus inquiétant reste leur fascination pour la force brute. Là où le panafricanisme historique prônait l’unité, la dignité et la construction d’États solides, eux glorifient les putschs, légitiment les armes contre les urnes et normalisent la confiscation du pouvoir. Ils osent parler de libération alors qu’ils applaudissent la mise sous tutelle militaire des peuples.
Le vrai panafricanisme est exigeant. Il dérange parce qu’il impose la rigueur. Il oblige à balayer devant notre porte, à combattre la corruption africaine autant que les ingérences étrangères, à exiger des dirigeants responsables, des institutions fortes, une justice crédible et des armées strictement républicaines. Il ne flatte pas les foules, il les élève.
L’Afrique n’a pas besoin de prophètes de la haine ni de gourous des réseaux sociaux. Elle a besoin de bâtisseurs, de penseurs, de dirigeants courageux et de citoyens lucides. Elle a besoin de démocratie, pas de messianisme militaire. De travail, pas de slogans creux. De vérité, pas de récits complotistes.
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