Les attentats terroristes qui continuent leurs répercussions inquiètent de plus en plus les états africains. Si les pays occidentaux sont de plus en plus souvent touchés par des attentats, l ‘Afrique est elle aussi en ligne de mire. Plus de 20 000 personnes ont perdu la vie sur le continent depuis 2002.
Depuis 2002 et l’émergence du terrorisme dit international, des centaines d’attentats ont eu lieu en Afrique. Si certains pays ont été épargnés et sont relativement calme à ce niveau, d’autres sont régulièrement touchés et peinent à éradiquer le phénomène.
Des attentats qui se produisent alors que les pays Ouest africains avancent de plus en plus vers la mise en place effective d’une force africaine autonome qui va essentiellement s’investir dans la lutte anti-djihadiste. Dans le but d’accélérer sa mise en place, le groupe interparlementaire d’amitié France–Afrique de l’Ouest qui réunit 17 pays africains a discuté de plusieurs stratégies qui pourront aider dans la lutte contre ce phénomène. Au cours d’une rencontre dite stratégique tenue Samedi 9 juin 2018 à Paris, ils ont abordé les différents problèmes qui sont un frein à l‘éradication du terrorisme.
« Nos préoccupations sont pèle-mêle, naturellement, le développement économique, le développement social, la francophonie, la forte démographie … qui posent des problèmes de subsistance alimentaire pour toutes les populations, le réchauffement climatique. Mais après avoir examiné ces différentes préoccupations dans un ordre de priorités, il est apparaît que c’est la lutte contre le terrorisme qu’il nous faut développer, de sorte que cette lutte ne vienne pas contrarier le développement de toutes les autres politiques dont je viens de parler. Vous avez compris que par exemple en coopération décentralisée chaque sénateur de ce groupe d’amitié représente un territoire ici en France », explique André Reichardt, Président du groupe interparlementaire d’amitié France–Afrique de l’Ouest.Â
La riposte face à cette montée en puissance du djihadisme aura appelé à une nouvelle réflexion sur les différents outils à mettre en place dans la lutte contre le terrorisme, qui sera également discutée lors de la rencontre des représentants du G5 SAHEL le 18 juin à Bruxelles.
En Afrique, le terrorisme est une réalité et une menace grave à la paix et à la sécurité des populations. Il est incarné par des groupes connus dans chacune des régions du continent : les Chababs en Somalie, au Kenya et dans tous les pays de la Corne et de l’Est ; Boko Haram au Nigeria et dans les pays du bassin du lac Tchad ; Al-Qaida au Maghreb islamique et ses nouveaux démembrements plus ou moins autonomisés au Mali et dans tout le Sahel ; et tous les groupes armés qui prolifèrent en Libye et dans le reste de l’Afrique du Nord, se réclamant qui d’Al-Qaida, qui de l’Etat islamique. En termes de bilan humain, Boko Haram et les Chababs font partie des groupes terroristes les plus meurtriers à l’échelle mondiale.
Alors que dans certains pays comme l’Algérie, le terrorisme a fait de nombreuses victimes dès les années 1990 et l’entrée en guerre civile, d’autres se découvrent vulnérables en essuyant les premières attaques de leur histoire. C’est le cas pour le Mali qui en 2013 connaît sa première attaque suicide, un traumatisme pour la population. Le point commun entre la plupart des attentats qui ont eu lieu sur le continent c’est qu’ils émanent le plus souvent de groupes terroristes dits internationaux ou en lien avec des réseaux très larges. Les connections qui existent désormais entre les mouvements agissants sur le continent sont très nombreuses et Boko Haram, Al Qaïda au Maghreb Islamique, les Shebab, Ansar el Charia et tous les autres ont des liens très étroits, qui tendent par ailleurs à se resserrer.
-Les pays victimes du terrorisme en Afrique–
Le Nigeria
Le Nigeria est sans aucun doute le pays qui essuie les plus lourdes pertes face au terrorisme. Depuis la naissance de Boko Haram des milliers de personnes ont perdu la vie et la montée en puissance du mouvement devient très inquiétante pour les autorités qui ne parviennent pas à gérer la situation. Alors que de 2002, date de fondation du groupe, à 2009, les attaques sont restées relativement peu nombreuses, elles se sont multipliées depuis pour être désormais quasi quotidiennes dans le nord du pays principalement. Ces derniers jours, en seulement une semaine, au moins 2 000 habitants ont été massacrés. Au total environ 16 000 personnes sont mortes en raison des attaques de Boko Haram.
L’Algérie
Autre pays qui est régulièrement visé par les terroristes, l’Algérie. Néanmoins, face à la terrible expérience des années 1990 appelée la décennie noire, qui a vu naitre la guerre civile et le terrorisme généralisé, le pays s’est doté d’un service de renseignements très efficace.
Depuis 2002, date officielle de la paix retrouvée, plusieurs dizaines d’attentats ont néanmoins été recensés. Cependant ils sont beaucoup moins spectaculaires qu’auparavant, même si l’année 2007 a par exemple été marquée par des attaques de grande ampleur. Entre septembre et décembre une vague d’attentats avait fait plus d’une centaine de victimes. Hormis la prise d’otage d’In Amenas de 2013 qui a fait près d’une quarantaine de morts, ce sont depuis plusieurs années, les forces de l’ordre qui sont prises pour cibles ainsi que les personnes représentant d’une façon ou d’une autre l’Etat. Les autorités ont prévenu l’an dernier que toutes les parties du territoire étaient sous la menace d’AQMI ou des groupes proches.
Le Maroc
Le Maroc même touché par plusieurs attaques d’envergure cette dernière décennie reste relativement épargné en comparaison de son voisin algérien. Il n’en reste pas moins que plus d’une soixantaine de personnes ont perdu la vie entre l’attentat de Casablanca en 2003 et celui de Marrakech du 28 avril 2011. Entre temps une attaque suicide a causé la mort d’un policier en 2007.
La Tunisie
Toujours au Maghreb, la Tunisie qui a toujours été peu touchée par le terrorisme a du, depuis la chute de Ben Ali, faire face à une montée du phénomène qui a atteint des proportions inquiétantes. Si l’attentat suicide de Djerba en 2002 reste inscrit dans toutes les mémoires puisqu’il a fait 21 morts, principalement des touristes, d’autres actes graves sont venus rappeler que la vulnérabilité du pays existait. Les assassinats politiques, à l’image de celui de Chokri Belaïd, les attaques à la bombe ou les offensives commandos se sont multipliées. La plupart du temps, comme c’est le cas en Algérie, ce sont les forces de sécurité et de police qui sont visées. Elles ont essuyé de très lourdes pertes. Au total depuis 2002, un peu moins d’une centaine de personnes ont péri dans des attentats.
La Libye
La Libye est devenue ces dernières années un véritable sanctuaire terroriste. L’attaque du consulat américain à Benghazi qui a tué l’ambassadeur des Etats-Unis a démontré que la fragilité politique du pays avait permis le développement du djihadisme. Depuis la Libye n’a cessé de s’enfoncer dans le chaos et les attentats de toutes natures se sont multipliés. A cela s’ajoute la menace d’une guerre civile. Plusieurs centaines de personnes ont perdu la vie depuis 2011.
L’Egypte
L’Egypte, comme l’Algérie, est malheureusement familière du terrorisme et a du faire face cette dernière décennie à une recrudescence des attaques. Néanmoins alors qu’avant la chute de Moubarak, les touristes étaient les principales victimes, notamment en 2004 avec un triple attentat à la voiture piégée ou celui de Charm el-Cheikh de 2005, revendiqués par Al-Qaïda, les choses ont changé. Les différents groupuscules djihadistes qui pullulent dans le désert du Sinaï sont dans une logique d’attaque à l’encontre des militaires, accusés d’avoir fait un coup d’Etat en destituant le président Mohamed Morsi en 2013. Néanmoins déjà sous la présidence islamiste, plusieurs attentats ont eu lieu, en grande majorité contre les barrages ou les forces de sécurité. Une logique de harcèlement qui s’intensifie aujourd’hui. Face à la dégradation de la situation, Abdel Fattah al-Sissi a ordonné la mise en place de mesures d’exceptions.
La Somalie
La Somalie qui est dans une situation politique, économique et humanitaire catastrophique depuis le début des années 1990 est devenue une zone où les terroristes agissent régulièrement. Ce sont les Shebab qui occupaient une très large partie du territoire qui sont responsables. L’intervention des troupes africaines visant à les déloger a très bien fonctionné mais les intégristes n’ont pas l’intention d’abandonner le combat. La capitale Mogadiscio est régulièrement le théâtre d’attentats, parfois de grande ampleur, et les forces de l’ordre sont prioritairement visées. Plusieurs attaques ont eu lieu à l’encontre du chef de l’Etat, des ministres ou des députés, démontrant que les Shebab refusent le processus de normalisation.
Le Kenya
Directement impacté par la situation somalienne, le Kenya a du faire face à des attaques majeures en lien avec son intervention militaire dans le pays voisin. L’attentat du Westgate en 2013 qui a fait 68 morts a montré au pays qu’il était désormais devenu une cible. L’année 2014 a été également très meurtrière puisqu’une dizaine d’actes terroristes ont eu lieu faisant au total au moins 200 victimes. Elle interroge sur les capacité du pays à répondre à la menace qui s’accroit.
Le terrorisme qui sévit en Afrique même très présent se concentre malgré tout sur un certain nombre de zones. Si l’Ethiopie, le Niger ou la Mauritanie ont eux aussi connu des attentats, la situation au nord du continent ou à l’est est sans commune mesure. A terme la lutte contre le terrorisme devra être centralisée et les informations mutualisées sans quoi les attaques feront encore de nombreuses victimes. Avec le Moyen-Orient et le Proche-Orient, l’Afrique est un territoire très vulnérable. Les 20 000 morts de ces dernières années en sont la preuve la plus terrible.
-Les mesures de lutte contre le terrorisme-
L’Afrique est donc bel et bien concernée par le terrorisme et par la lutte contre le terrorisme. Mais en Afrique comme ailleurs, le terrorisme est un mode d’action utilisé par des groupes qui sont aussi des acteurs politiques, économiques, sociaux poursuivant leurs objectifs dans un contexte spécifique.
La lutte contre le terrorisme doit passer par une mise à nu de tous les acteurs de l’insécurité dans chacune des régions africaines. Ceux qui recourent aux actes terroristes comme tous ceux qui en sont des complices objectifs en profitant des rentes générées par l’insécurité ou en créant les conditions politiques, économiques et sociales qui offrent d’exceptionnelles opportunités de prospérité aux acteurs de la violence.
Il faut aussi, bien sûr. renforcer les capacités des systèmes de sécurité et de toutes les institutions qui permettent d’augmenter les chances de réduire les risques d’attentats terroristes réussis, abandonner les comportements laxistes de la part des agents de sécurité tout comme des citoyens qui ne correspondent plus à la réalité du risque élevé d’attentat terroriste dans nombre de grandes villes africaines.
Mais cette lutte contre le terrorisme n’a de sens que si elle s’inscrit dans une volonté de changer radicalement la manière dont sont gérés les Etats et dont ils fonctionnent au quotidien. Elle n’a de sens que si elle donne l’occasion d’exposer les facteurs internes et externes enchevêtrés qui sont à la base de la diversification des formes de violence sur le continent depuis une vingtaine d’années, en ajoutant aux formes préexistantes de la violence, celles du terrorisme se revendiquant du djihadisme armé.
En plus des réponses ancrées dans la compréhension des contextes locaux et régionaux spécifiques, l’Afrique a effectivement besoin aussi d’une réponse globale aux vecteurs majeurs de l’insécurité dont font partie les groupes qui recourent au terrorisme. Cette réponse doit inclure un renforcement de la coopération entre les services de sécurité et de renseignement à l’échelle internationale, exigée par la mobilité des acteurs de la violence.
L’Afrique est devenue le réceptacle de tous les moyens d’amplification de la violence, armes, expertise, idéologies extrémistes, exportés massivement par des acteurs cyniques de toutes origines qui n’ont que faire des conséquences terribles de leurs actions. Le terrorisme n’est qu’une des manifestations d’un grand désordre mondial dont les conséquences sont loin d’être équitablement partagées.
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