Ils arpentent le désert du sud du Maroc, à pied ou en voiture tout-terrain, dans l’espoir de trouver des pierres tombées du ciel: dénicher un fragment de météorite, très prisé par les chercheurs et les collectionneurs, fait rêver les nomades.
“C’est une question de chance, c’est comme jouer au loto”, sourit Abderrahmane, un ambulancier de 48 ans qui s’improvise régulièrement chasseur de météorites.
“Ca peut valoir plus que de l’or !”, jure Mohamed, un ancien professeur d’éducation physique vivant à Zagora, une ville semi-désertique du sud du royaume, à près de 700 km de Rabat.
Cet homme de 59 ans s’est lancé il y a quatre ans dans cette chasse au trésor. Casquette vissée sur la tête et survêtement de sport, il sillonne les dunes et les plaines dans son pick-up, à la recherche de ces résidus du système solaire. Pour identifier ses trouvailles, il se sert d’une loupe et d’un aimant “très fort”.
Sous une chaleur accablante, Mohamed prospecte un vaste terrain caillouteux dans la bourgade de M’Hamid el Ghizlane, dernière halte marocaine de la route caravanière vers la mythique Tombouctou.Â
Sous une chaleur accablante, Mohamed prospecte un vaste terrain caillouteux dans la bourgade de M’Hamid el Ghizlane, dernière halte marocaine de la route caravanière vers la mythique Tombouctou.
Dans ce paysage digne d’un western, il s’arrête devant un terrain “creux”, qui, selon lui, laisse présager “un impact il y a très longtemps, dû à la chute d’une météorite: c’est un premier signe”.
Celui qui aime se présenter comme un autodidacte féru de sciences se penche et ramasse un caillou d’un noir éclatant, qu’il brandit fièrement. “Depuis l’enfance, on vit entre les pierres, on a l’habitude de les toucher.”
Comme lui, des centaines d’habitants de la région participent à cette quête de l’extraterrestre dans les paysages désertiques d’Erfoud, Tata ou Zagora, aux côtés d’une poignée de spécialistes étrangers.
Car le sud du Maroc est mondialement réputé pour ses météorites. “Au moins la moitié des publications scientifiques sur le sujet sont faites sur la base de météorites collectées au Maroc”, explique la géochimiste Hasnaa Chennaoui Aoudjehane.
Les zones désertiques du sud du pays sont “propices à l’accumulation des météorites, il n’y a pas de végétation, le risque d’altération est faible”, décrypte cette enseignante à l’université Hassan II de Casablanca, membre du comité de nomenclature de la Meteorological Society, l’association internationale de référence.
Et repérer ces fragments noirs sur le sable doré n’est pas si compliqué… une fois que l’on est au bon endroit.
“Les scientifiques n’ont pas le temps de quitter leurs laboratoires”, souffle Mohamed, le chasseur de météorites. Lui “a tout le temps” grâce à sa retraite anticipée.
Pour les scientifiques, ces roches venues d’ailleurs recèlent de précieuses informations sur les conditions de formation du système solaire il y a 4,5 milliards d’années, sur la genèse des planètes et leur composition interne. Statistiquement, une météorite sur cinq est précieuse.
L’intérêt que portent scientifiques et courtiers spécialisés a fait augmenter les prix, suscitant les convoitises des nomades, des intermédiaires et des chasseurs. D’autant qu’un vide juridique fait que les météorites ramassées au Maroc appartiennent à ceux qui les trouvent, contrairement aux législations d’autres pays qui en attribuent la propriété à l’Etat.
Le prix “dépend de la rareté de la pierre, de sa forme, de son état (…) les pierres qui viennent de Mars sont très chères, parfois jusqu’à 10.000 dirhams (900 euros) le gramme”, explique Mohamed. Il dit “ne pas s’être enrichi”, quand d’autres ont “fait fortune”.
Si plusieurs chutes de météorites ont été observées au Maroc ces dernières années, c’est la “Black beauty” qui a fait le plus rêver les nomades et suscité des vocations. En 2011, les fragments de ce bolide martien tombé dans la région de Tata, à l’extrême sud du pays, ont été vendus entre 500 et 1.000 dollars le gramme, pour un total de sept kilos.
Abderrahmane avait alors “pris des congés et cherché durant vingt jours des fragments, sans résultat”. Il sait pourtant que d’autres “ont gagné beaucoup d’argent”: “un chasseur de météorites a trouvé et vendu 600 grammes de ce spécimen pour 7.500 dirhams le gramme (660 euros)”, assure-t-il, drapé dans une saharienne bleue, la moustache fine.
“A partir des années 2000, tous les nomades se sont lancés dans la recherche de pierres et beaucoup sont devenus riches”, raconte Abderrahmane.
“La vente se fait discrètement”, dit-il en expliquant ne pas accorder facilement sa confiance à qui veut voir ses pierres. “Ce qu’on trouve dans les souks, ce sont des bricoles” sans grande valeur, tandis que les plus belles pierres se négocient loin des regards.
Les transactions se font aussi en ligne, dans des forums spécialisés voire sur des sites de petites annonces grand public. Les plus belles pièces se vendent aux enchères à Paris ou New York.
Assis sous une tente dans un souk de M’hamid, dans l’attente de clients potentiels, Slimane sort d’une vieille sacoche quelques pierres collectées au fil du temps, et qui de son propre aveu ne “valent pas grand-chose”.
“Je n’ai pas eu de chance”, se désole cet homme âgé, barbe blanche et turban bleu enroulé sur la tête.”Je n’ai pas réussi à sortir de la misère avec les pierres.”
Afrique Diplo