L’ANC a lancé samedi sa campagne en vue des élections générales du 29 mai en Afrique du Sud. Confronté à un mécontentement grandissant dans un climat socio-économique morose, , le parti historique risque de perdre pour la première fois sa majorité absolue au Parlement.
Au pouvoir depuis l’avènement de la démocratie dans le pays et la victoire de Nelson Mandela en 1994, le Congrès national africain du président Cyril Ramaphosa, éclaboussé par les scandales de corruption, voit son hégémonie de plus en plus contestée, dans un contexte de chômage endémique et d’inégalités toujours plus grandes.
Le parti demeure toutefois une redoutable machine électorale et peut encore compter sur le soutien de nombreux Sud-Africains qui se souviennent avec fierté de son rôle crucial dans la lutte contre le régime ségrégationniste de l’apartheid.
“Lors des trois prochains mois, nous allons expliquer à des millions de nos concitoyens pourquoi l’ANC demeure le meilleur parti pour les élections de 2024”, a lancé M. Ramaphosa, 71 ans, aux plusieurs dizaines de milliers de sympathisants réunis dans un stade de la périphérie de Durban, capitale du KwaZulu-Natal (KZN, est).
“D’ici 50 ans, l’héritage du colonialisme d’apartheid et du patriarcat, encore prégnants en Afrique du Sud, appartiendront à l’histoire ancienne”, a-t-il assuré. Le chef de l’Etat a également promis que les candidats de l’ANC aux élections de mai feraient l’objet d’un examen minutieux de leur probité.
Des dizaines de milliers de personnes arborant les couleurs jaune et verte du parti ont répondu présent à ce premier meeting de campagne de l’ANC dans un stade de football de Durban, dans une ambiance festive. “Nous sommes nés avec ce parti politique et nous continuerons en toutes circonstances avec lui”, assure à l’AFP Sthabile Nxumalo, 30 ans, gérante d’un magasin de cosmétiques.
Plus de 27 millions d’électeurs inscrits, sur une population de 62 millions d’habitants, sont appelés à se rendre aux urnes le 29 mai pour renouveler leur Parlement, qui désignera le prochain président.
Selon les enquêtes d’opinion, l’ANC pourrait perdre sa majorité absolue à l’Assemblée nationale et se voir contrainte de former un gouvernement de coalition.
La province du KwaZulu-Natal, la plus peuplée du pays, est un fief historique de l’ANC. Mais le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), y fait des incursions et l’ancien président Jacob Zuma (2009-2018), qui a rallié un nouveau parti, compte une base encore puissante dans cette région où il est né.
Ancien pilier de l’ANC, le sulfureux et charismatique ex-président de 81 ans a annoncé en décembre faire campagne pour un petit parti radical baptisé Umkhonto We Sizwe (MK), récemment créé. L’ANC a annoncé dans la foulée le suspendre.
Les supporters de l’ANC ont pris l’ex-président pour cible samedi, paradant dans le stade un cercueil censé représenter la mort prématurée de son nouveau parti.
“Zuma représente la plus grande menace pour l’ANC dans le KwaZulu-Natal”, selon Zakhele Ndlovu, professeur de politique à l’université du KwaZulu-Natal.
Au niveau national, le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique, encore largement perçu comme un parti blanc, a monté une coalition avec dix petites formations politiques pour battre l’ANC. Le mouvement est talonné dans les sondages par le parti de gauche radicale Economic Freedom Fighters (EFF) du virulent Julius Malema.
Les deux partis d’opposition, qui ont déjà lancé leur campagne, misent sur des promesses de création d’emplois, réduction d’une criminalité parmi les plus élevées de la planète et fin d’une grave crise de l’électricité qui plombe l’économie de la première puissance industrielle du continent.
L’Afrique du Sud a par ailleurs enregistré près de 84 meurtres par jour entre octobre et décembre, selon les derniers chiffres de la police. Et à trois mois des élections, le taux de chômage est à nouveau en hausse à 32,1%.
“Le grand défi de l’ANC sera, malgré tous les autres problèmes et son propre déclin, de se projeter comme un grand parti fort qui peut vraiment changer les choses”, estime Susan Booysen, de l’Institut de réflexion stratégique de Mapungubwe.
“Avant 1994, nous n’avions rien. A présent, nous avons l’éducation gratuite, des logements, il y a eu beaucoup de progrès”, explique Nomawethu Dlangisa, enseignante de 52 ans venue assister au meeting de Durban. Mais celle-ci ne cache pas sa sympathie pour Jacob Zuma, illustrant le défi posé par l’ancien président à l’ANC dans la région cruciale du KwaZulu-Natal: “J’aime bien Ramaphosa mais je préfère Zuma”.
L’ANC détient actuellement 230 des 400 sièges (57,50%) à l’Assemblée nationale tandis que le DA et les EFF disposent respectivement de 84 et 44 sièges.
AFP